Feu d'artifice de la Saint Sylvestre
.Les magnifiques parures ocres , rouille et mordorées de la fin novembre ont disparu ,laissant place à des baliveaux dénudés , parsemés de ci- de là de massifs de génévriers ou de buis , au dessus desquels se détache la silhouette des chènes tordus et rabougris :ce patchwork d'un beau vert intense égaie ces paysages hivernaux. De lourds nuages gris foncé balaient le ciel , si bas , qu'ils semblent lécher les "pech" . La météo très perturbée (vent fort et pluies ) de ces derniers jours de l'année a certainement poussé les bécasses habituellement présentes sur les magnifiques terrains de Jean Michel vers d'autres biotopes plus accueillants, car les contacts ont été rares sur les deux dernières sorties , malgré l'ardeur des chiens.
Avec Hubert ,descendu pour ses congés de fin d'année , Jean Mi nous propose d'aller "faire les buis"; ces fameux buis que les bécasses affectionnent et que les pyrales n'ont pas trop endommagés sur son secteur ,contrairement à certains coins où ces redoutables insectes n'ont laissé que des rameaux secs et bien tristes à voir . .
Son initiative va s'avérer payante car dans la première demi-heure Atos et Hindie vont montrer tout leur savoir faire et nous permettre de voir trois oiseaux qui s'en sortent indemnes . Puis c'est un long arrêt d'Hindie , imitée ensuite par Guiness en bord de cassure rocheuse : finalement , Hubert déclenche le départ en jetant un petit caillou au dessus de la place dans les buis . Mais c'est un gros blaireau qui démarre , aussitôt poursuivi et " chopé " par les chiens , vite relâché et mené avec ardeur par Atos et Hindie très loin jusqu'à sa tanière ; Jean Michel réussit à lui envoyer deux "pets" de cul à son passage sans égratignures..... Plus loin , Hubert aperçoit s'éloigner une bécasse , que venait de bloquer Itou sur le plateau., Après avoir rejoint notre hôte en contrebas , c'est au tour de Guiness d'en bloquer une autre , qui ne tiend pas longtemps et que Jean Michel salue sans succès , mais le tir était compliqué.! Il nous annonce alors qu'il ne lui reste qu'une seule cartouche .
-Tu ne t'étais pas chargé lui dis-je , mais ça devrait te suffire, vu ton adresse habituelle !
-A moins qu'il y en ait un "voilier " ! nous nargue-t-il .
Les chiens n'ont pas attendu longtemps et Guiness retrouve une place chaude et dans la foulée Hindie la devance sur la fuyarde : je la vois couler comme un félin sous les buis . Je la rejoins en passant au dessus et invite Hubert à se presser pour encercler la grosse touffe de buis où elle a fini par s'immobiliser.. Jean Mi , dans le pré en bordure , nous prévient qu'Atos s'est aussi arrêté vingt ou trente mètres plus haut . Trente secondes s'écoulent et il crie :
-A vous !
Une bécasse vient de démarrer devant Atos et m'arrive sur le côté à un vingtaine de pas . Malgré la surprise , mon swing la bascule dans les buis derrière deux gros chènes . La détonation provoque l'envol de la bécasse bloquée par Hindie , et le coup de fusil d'Hubert accroche la fusée qui plongeait dans la pente ; nous partons chacun de notre côté à la recherche de notre capture...A peine une minute plus tard ,une nouvelle détonation se fait entendre de la bordure du pré : Jean Michel vient de tirer à son tour . Ni Hubert ,aidé par Itou , ni moi avec Guiness, puis Atos l'aboyeur n'avons retrouvé notre oiseau .Je remonte plus haut au cas où elle aurait piété quand Jean Michel me crie qu'une autre bécasse , qu'Hindie venait d'arrêter , prend ma direstion : elle me passe , lancée à fond en plein travers , à une quarantaine de mètres mais je ne parviens pas à la devancer et j'annonce :
-manquée ! un peu loin ! et surtout swing trop lent : j'en perds !
Jean Michel revient vers moi avec une bécasse à la main et je le félicite .Il annonce qu'Hindie la lui a bloquée dans la haie de buis du pré , puis rapportée après son tir et s'est remise à l'arrêt presque au même endroit sur une deuxième que je viens d'enfumer ....Pas une seconde de répit !
Quel festival en si peu de temps ! un vrai bouquet de bécasses pour la saint Sylvestre !
Je dis à Jean Michel , lui qui deteste , tout autant que moi , perdre un gibier mort ou blessé ,que je n'ai toujours pas retrouvé la mienne , mais il me devance, imperturbable , sans plus se soucier de mon agacement.
Il s'enquiert des recherches d'Hubert : Itou a enfin retrouvé sa bécasse ,qui avait piété sur plus de trente mètres . Nous rejoignons Hubert , qui achève de baguer son oiseau. et j'insiste alors auprès d'eux pour qu'ils m'aident à retrouver la mienne ..Jean Michel , toujours de dos ,félicite Hubert et lui demande les détails de l'action...tout ce temps perdu commence à me faire monter la pression .....Jean Michel se retourne enfin vers moi en arborant un large sourire.; il nous demande de nous remémorer ses paroles , prononcées avant toutes ces actions ; et il sort alors de sa veste une seconde bécasse , encore toute chaude:
-hein les gars ! une cartouche , une bécasse ! à moins qu'un voilier !!! lance-t-il d'un air enjoué.
je devine alors que cette deuxième bécasse pourrait bien être la mienne ,vu qu'il n'avait qu'une cartouche .mais comment est -elle arrivée dans ses mains ?, aurait-il eu un complice ?
Et là , il nous avoue qu'Hindie la lui a rapportée , sitôt après mon tir sans que je m'en aperçoive., puis s'était mise à l'arrêt dans la foulée sur celle qu'il a tuée et ensuite sur' l'autre quasiment au même endroit . Quelle fabuleuse chienne cette Hindie ! elle a "grillé" les trois autres chiens en moins de temps qu'il ne faut pour le dire .Jean Michel avoue alors qu'il me tournait le dos pour ne pas éclater de rire et profiter de sa blague à mon encontre le plus longtemps possible et ainsi me mettre un peu le doute et la rage .Gagné!
Sur le retour , Hubert sert avec succès le vieil et toujours efficace Atos , et nous rentrons comblés .Sauf qu'en rentrant à la maison , Hubert ne retrouve qu'une de ses deux bécasses ! Il est surpris et vexé , mais ne comprend pas .Je l'ai même aidé à glisser sa deuxième au fond de sa poche- carnier ....bizarre !Jean Michel lui rapelle que l'on a mis les chiens en laisse pour traverser la route et regagner la voiture. -Ah ! peut-être dit-il , j'ai eu du mal à sortir ma laisse de ma veste et j'ai tiré un coup sec .
-Tiens, tiens ; nous irons vérifier sur place demain matin ,dis-je
Ce qui fut fait avant d'aller prospecter de nouvelles remises : j'ai finalement retrouvé cette bécasse au pied d'un bouquet de buis du bord de route , le plumage humidifié par les pluies nocturnes.
- heureusement que le renard avait décidé de réveillonner ailleurs , dis-je , avec ironie .
Pour nous , le réveillon a été l'occasion de revivre ces fabuleux moments inoubliables tout en dégustant les fameuses huitres iodées de la Manche et le merveilleux foie gras du Lot avec les bouteilles idoines.
Si certains secteurs étaient quasi vides , les buis semblent avoir été plus attractifs pour notre bel oiseau et cette belle " tombée " restera dans nos souvenirs comme un beau feu d'artifice de la saint Sylvestre .
JJ .31. 12.17